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Artículo #85

Le vin a-t-il un genre ?

Por Pauline Faye DICIEMBRE DEL 2022

Le monde du vin est un secteur de patrimoine et de tradition à l’identité très ancrée. Durant de nombreuses années, les femmes se sont vues écartées du secteur, car c’était un « milieu d’homme ». Nous avons tous vécu cette scène au restaurant, où le serveur propose la carte des vins à l’homme ou la dégustation du vin. Au sein des exploitations, la majorité des employés, maîtres de chai, vendangeurs et œnologues sont des hommes. Cependant, depuis la fin du XXe siècle, un changement est amorcé, et la place de la femme est de plus en plus importante.

Texto destacado

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les femmes ont toujours été des actrices à part entière au sein de l’univers viticole.


Les femmes toujours présentes dans l’histoire du vin : Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les femmes ont toujours été des actrices à part entière au sein de l’univers viticole. Durant l’Antiquité, les premières sommelières firent leur apparition. En témoignent également les fresques égyptiennes, mettant en avant le travail des femmes dans le processus de fabrication du vin. En plus d’en boire, elles avaient pour mission de le choisir et de le servir.

Toutefois, c’est aux XVIIIe et XIXe siècles que certaines veuves devinrent célèbres. De nombreuses filles de vignerons héritèrent de la propriété de leur père et s’en servirent comme dot. Lors de leur mariage, leur mari devenait l’heureux propriétaire du domaine. Au cours de cette période, trois veuves firent parler d’elles dans le secteur vinicole : Françoise-Joséphine de Lur-Saluces, Jeanne Alexandrine Pommery et Barbe-Nicole Clicquot Ponsardin dite la Veuve Clicquot.

En 1788, Françoise-Joséphine de Lur-Saluces devint la propriétaire du Château Yquem, fit construire un chai en 1826, une révolution pour l’époque, et offrit à la propriété sa renommée internationale.

La Veuve Clicquot, comme ses semblables, a hérité de la propriété à la mort de son mari, devenant ainsi la première femme à diriger une maison de Champagne. Avant qu’elle ne reprenne les rênes de l’exploitation, le domaine produisait 100.000 bouteilles par an. Femme d’affaires hors pair, elle envoyait de nombreux représentants dans toute l’Europe. Elle inventa la table de remuage permettant d’obtenir des « vins clairs, nets et limpides ». À sa mort, grâce à son expertise, le domaine commercialisait 750.000 bouteilles par an.

Jeanne Alexandrine Pommery, quant à elle, créa le Champagne brut. Le Champagne que nous connaissons actuellement n’est pas le même qu’à l’époque. Tout d’abord, le marché visé était le marché russe, déjà prisé par de nombreuses propriétés. Les maisons de Champagne s’adaptaient donc au « goût russe », créant des champagnes avec « beaucoup de mousse et un goût sucré ». Afin d’attirer la clientèle anglo-saxonne, elle demanda à son agent commercial anglais de lui décrire ce qui pourrait plaire aux habitants outre-Manche. Il lui répondit en ces mots : « il leur faut du Champagne sans sucre, un vin qui ressemblerait à un très vieux cognac, qui serait mousseux, mellow, velouté, bien fondu, aussi sec que possible mais sans âcreté. […] Tout me fait croire que nous aurions dans un temps rapproché la vogue pour le vin sec ». Avec l’aide d’Olivier Damas, son chef de cave, elle créa le premier Champagne « nature », également appelé « brut ».

Ces femmes, comme le souligne Ségolène Lefèvre dans son livre Les Femmes et l’amour du vin : « étaient des femmes à poigne qui réussirent à faire oublier leur condition féminine afin d’exercer le métier de leurs défunts maris ». Mais qu’en est-il actuellement ?

Entre héritage et nouvelles vocations, les femmes et le vin : le nouvel assemblage

Contrairement à leurs prédécesseuses, celles qui héritent de propriétés reviennent à leurs premières amours en reprenant le lègue familial. Certaines se professionnalisent et prennent des cours d’œnologie et de sommellerie, partent au sein de contrées viticoles telles que l’Australie et la Nouvelle-Zélande pour en apprendre les nouvelles techniques. Côté chiffres, 1/3 des œnologues sont des femmes, près de 30 % des chefs d’exploitations viticoles sont des femmes et 50 % des promotions en école de viticulture sont des étudiantes (œnologues et sommelières).

Liée à cet essor, la création d’associations est de plus en plus importante et démontre une profonde envie de mettre en lumière le travail féminin dans un monde si masculin. WomenDowine en est l’exemple le plus parlant. Née en avril 2017, cette association a pour but de promouvoir le travail des femmes au sein de la filière à l’international. Elle regroupe des membres de toutes les spécialités du secteur : vigneronnes, sommelières, œnologues, journalistes, cavistes, blogueuses, négociantes… « Nos objectifs sont, à court terme, de faire parler de nous, et de toutes les femmes du vin. À moyen terme, d’organiser une journée de rencontres/dégustations/conférences, assortie d’une remise de prix. Et à long terme, de soutenir et d’encourager les différentes initiatives féminines au sein du monde du vin. »

À la suite d’une campagne de crowdfunding, c’est en juin 2019 que l’association lance son premier événement, qui fut un franc succès. Malgré ce genre d’initiatives et les progrès assez remarquables, le monde du vin reste un monde d’inégalités, assez sexiste, où les femmes peuvent passer pour des « emmerdeuses ».

Le monde du vin et la filière viticole appartiennent-ils aux hommes ?

Même s’il existe de réelles avancées et que la place de la femme grandit, de nombreuses inégalités et actes sexistes ordinaires demeurent. En témoigne la page Instagram @paye_tonpinard, qui donne à de nombreuses femmes de la filière la possibilité de s’exprimer de manière anonyme. Ce compte dévoile des faits de sexisme ordinaire auxquels les femmes font face, et qui pour certaines relèvent de la normalité. Ce sont des témoignages forts qui montrent que même si la gent féminine est de plus en plus acceptée, les mentalités restent toujours aussi fermées. La page publiera en 2018 une étiquette qui normalise la culture du viol et le GHB. Il y est écrit « GHB pour pécho » suivi de « Dites-nous si ça marche à jaipecho@marcsoyard.fr #debouchonnemoifort ».

En 2021, nous avons pu être témoins de la déferlante de haine subie par Delphine Aslan, de l’association Oenolo-Gouine, qui propose des dégustations en mixité choisie en cave ou à domicile. Dans un article publié dans le journal Libération, elle explique son travail et pourquoi elle a décidé de travailler de la sorte : « Ce sont des soirées ouvertes à tout le monde sauf aux hommes cisgenres. L’idée est de découvrir le monde du vin, dans une ambiance décontractée, sans sexisme, ni paternalisme ». Suite à cet article, son compte Instagram a été suspendu à cause de nombreuses personnes dérangées par le concept, et a également reçu de nombreuses démonstrations de haine et d’insultes. Cela démontre encore une fois que les problèmes de sexisme et d’acceptation de la femme font encore l’objet de discussion.

Même si l’on a pu voir une nette amélioration des mœurs au sein de la filière viticole, les inégalités sont toujours à l’ordre du jour. Il n’est pas normal qu’en 2021 on voit encore de tels actes de haine, du sexisme aussi normalisé alors que le monde du vin devrait être un endroit de plaisir, de partage et de respect. Le vin est un patrimoine de haute importance pour de nombreux pays, et il devrait n’y avoir aucune différence de genre, n’en déplaise à certains.