Artículo #35
Prix du vin, patrimoine et identité
Les acteurs vitivinicoles du Nouveau Monde se sont rendus compte que les prix sur le marché du vin ne dépendent pas seulement des aspects œnologiques et chimiques, mais aussi de la dimension culturelle, symbolique et patrimoniale du vin. Pendant de nombreuses années, les grands entrepreneurs des vignes chiliennes, argentines et australiennes ont eu tendance à minimiser l'importance du patrimoine du vin. Lorsque les grandes vignes ont dû prendre des décisions importantes, l'avis des ingénieurs commerciaux et marketing a prédominé sur celui des historiens et des anthropologues. Résultat, les entreprises ont investi dans des campagnes de publicité centrées sur les normes de la production de masse. Elles ont vendu leur vin comme une vulgaire paire de baskets ou un simple soda et les résultats sont sans appel. Les vins du Nouveau Monde ont été vendus et exportés en grande quantité mais à bas prix:
Texto destacado
Les entreprises ont investi dans des campagnes de publicité centrées sur les normes de la production de masse.
• Le Chili exporte pour 1 milliard 650 millions d’euros de vin (2 euros la bouteille en moyenne)
• L'Australie exporte pour 1 milliard 500 millions d’euros (2 euros la bouteille en moyenne)
• L'Argentine exporte pour 740 millions d’euros (2,30 euros la bouteille en moyenne)
• La Nouvelle-Zélande exporte aussi pour 740 millions d’euros (4,30 euros la bouteille en moyenne).
Il est important de préciser qu'à ces valeurs de prix de vente, il faut enlever les coûts de la bouteille, du bouchon, de l'étiquette, du transport et des matières premières. Ainsi, le prix de commercialisation la bouteille se rapproche dangereusement du coût de production laissant l'industrie vitivinicole au bord de la rentabilité minimale pour fonctionner. Au niveau socio-économique, un cercle vicieux se créée avec de grandes entreprises exportatrices qui doivent acheter le raisin au prix le plus bas possible en défavorisant les petits vignerons.
N'ayant que faire du sort des petits viticulteurs défavorisés, les grands chefs d’entreprises, ingénieurs commerciaux et spécialistes du marketing ont l'air d'être satisfaits du résultat et continuent dans leur lancée en reproduisant et développant ce modèle de commercialisation. De plus en plus, ils s'obstinent dans la recherche de nouvelles manières de faire de leurs vins des indispensables sur le marché visé, grâce à de grandes campagnes de marketing et à la sponsorisation de grands clubs de foot européens, comme les clubs anglais.
Ces résultats sont tout à fait acceptables pour des ingénieurs commerciaux et des spécialistes du marketing qui n'ont que faire de la nature de ce qu'ils vendent.
Au contraire, ces chiffres sont très décevants pour les œnologues qui voit le vin comme un produit se rapprochant de l'artistique et du patrimoine culturel. Ils ont pour référence d'autres bouteilles : le champagne à 1500 euros, les bouteilles Vega Sicilia à 3300 euros l'unité ou encore une bouteille Cheval Blanc millésime 1947 à 115 000 euros. Mis à part ces cas exceptionnels, les AOC européennes atteignent un prix d'environ 20 euros la bouteille permettant de dégager des marges rentables pour payer dignement les agriculteurs mais aussi les professionnels et les techniciens impliqués dans la chaîne productive.
Le mouvement de falsification des AOC et des noms de domaines emblématiques européens a desservi l'Argentine et le Chili. Les exportations à bas prix de leurs vins sont le résultat direct de cette politique commerciale, portée depuis plus d'un siècle par les grandes entreprises de ces deux pays. Il faut impérativement revenir aux fondamentaux du territoire, du petit vigneron et de l'agriculteur. Finalement, revenir au patrimoine qui implique de voir le vin comme un produit artisanal.
( Traduit par Pauline Faye M. )