Artículo #156
Canette et Beaujolais
Fière représentante de la 5ème génération de vigneron.ne.s au sein du Château des Moriers à Fleurie dans le Beaujolais, Anne-Victoire Monrozier alias Vicky sort son épingle du jeu en mettant son vin… en canette. Au premier abord décriée par les puristes, cette nouvelle manière de consommer le vin séduit de plus en plus et se fait une place sur ce marché français où tradition et patrimoine ont le maître mot sur la modernité et les changements. Portrait d’une vigneronne du Beaujolais qui souhaite mettre le progrès et la modernité au centre de son travail.
Texto destacado
L’innovation dans le vin a toujours été un de mes sujets de prédilection et c’est pour cela que j’ai créé en 2010 les Vinocamp afin de réunir passionnés et professionnels du vin pour débattre sur les nouveaux médias, les nouveaux modes de commercialisation du vin, les objets connectés, l’œnotourisme et le terroir.
Pouvez-vous vous présenter et nous expliquer votre parcours ?
Je m‘appelle Anne-Victoire Monrozier, je suis entrepreneuse, créatrice d’événements et vigneronne. J’ai commencé à aller dans le Beaujolais lorsque mon père a repris l’exploitation familiale, le Château de Moriers, en 2005, pour l’aider. En 2009, j’ai créé mon blog en anglais, « Miss Vicky Wine », qui m’a fait connaître dans le monde du vin surtout à l’international, puis j’ai lancé mes soirées de dégustation, les Vicky Wine Tastings. J’ai aussi un blog en français sur l’Express Styles : La Wine Touch. Petit à petit, j’ai commencé à vendre les vins Fleurie sous le nom de mon blog « Miss Vicky Wine ».
L’innovation dans le vin a toujours été un de mes sujets de prédilection et c’est pour cela que j’ai créé en 2010 les Vinocamp afin de réunir passionnés et professionnels du vin pour débattre sur les nouveaux médias, les nouveaux modes de commercialisation du vin, les objets connectés, l’œnotourisme et le terroir. C’était aussi une manière pour moi d’aider les vignerons à mieux communiquer sur les médias sociaux. Le thème du 10ème VinoCamp était « Boire du vin en 2020 » et la canette, qui prenait de l’ampleur dans les pays comme l’Australie, était un sujet qui attirait mon attention. Des entrepreneurs en France avaient déjà lancé des vins mis en boîte, mais à ma connaissance aucun vigneron n’avait sauté le pas. C’est donc avant le confinement que j’ai lancé mon vin en canette « Ô Joie », un Fleurie du vignoble familial.
Pourquoi le vin en canette ? N’avez-vous pas eu peur des critiques ?
Les canettes font réfléchir sur une nouvelle manière de boire le vin : elles libèrent de cette espèce de snobisme qui entoure ce secteur et qui vous faire penser qu’il faut s’y connaître pour ouvrir une bouteille. Je trouve aussi qu’elles répondent à un vrai besoin : un contenu plus petit, un poids plus léger et d’une grande praticité.
J’ai décidé de lancer mon vin en canette car, comme dit auparavant, je suis friande d’innovation et parce qu’en faisant des recherches sur ce produit, je me suis rendue compte qu’il offrait de nombreux avantages. D’abord, elle est facilement transportable. Lors d’un pique-nique, c’est beaucoup plus pratique qu’une bouteille de vin, elle est moins lourde et prend moins de place. Ensuite, elle permet d’éviter le gaspillage. Lorsqu’on est seul et que l’on souhaite boire du vin, ouvrir une bouteille, ça fait beaucoup et on aurait tendance à en laisser une partie qu’on finira peut-être par jeter. La canette peut être une option individuelle lorsque l’on veut boire du vin seul, ou si l’on fait un pique-nique. On peut tout à fait en servir deux verres. En définitive, ça évite le gaspillage. Ce nouvel emballage a aussi une valeur environnementale, car la canette est infiniment recyclable.
Aussi, l’envoi est plus facile, par exemple pour un carton de 6 bouteilles, on peut mettre 24 canettes. Le contenant de ces 24 canettes équivaut à 8 bouteilles, c’est donc beaucoup plus avantageux.
Malgré ce que l’on peut penser et la légende urbaine qui l’accompagne, la canette ne change pas le goût du vin. Elle évite l’oxydation et ce goût de bouchon que l’on retrouve parfois sur les bouteilles. Un revêtement recouvre les parois de la canette, ce qui n’altère pas le produit. Le vin peut se boire à la canette, mais moi je préfère le boire dans un verre à pied ou un verre Duralex.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les plus difficiles à convaincre sont les jeunes et non les anciennes générations. Ces dernières rechignent au début mais par la suite se laissent finalement convaincre Évidemment, c’est un concept totalement différent à ce que l’on a l’habitude de voir, on se doutait donc qu’on allait recevoir des critiques. C’était un pari risqué, mais que je suis fière de l’avoir relevé.
On a, ces dernières années, observé un montée en flèche du Beaujolais, son blason se redore alors qu’il était renié par la filière et était vu comme un vin peu qualitatif. Comment expliquez-vous ce phénomène alors que vous êtes aux premières loges ?
Dans la région, le renouveau se fait sentir. Les processus changent, s’améliorent. La région a été le laboratoire du vin dit « naturel ». Il a donc fallu tester, s’améliorer, s’habituer aux nouveaux processus. On a également pu voir un changement dans le goût des consommateurs. Auparavant, ils recherchaient des vins capiteux, tanniques et mettaient de côté les vins dits « légers, frais ». Actuellement, les amateurs de vin ont fait le tour de la question et souhaitent découvrir de nouvelles saveurs. Le Beaujolais offre un côté fruité, frais qui ne prend pas nécessairement le pas sur les mets qu’il accompagne. L’offre se diversifie et le Château Moriers fait partie de Fleurie AOC, qui est une des 10 appellations de Beaujolais, où le Gamay est le cépage principal. On propose des produits de qualité avec de l’élégance et une finesse qui plaisent aux consommateurs. Le vin que l’on met dans la canette est un rouge 100 % Gamay, fruité, croquant et frais. Il est facile à accorder et idéal à l’apéritif ou au cours du repas.
Qu’en est-il des vins blanc et rosé que vous proposez en canette sur votre site ? D’où proviennent-ils ?
Sachant que nous ne produisons pas de blanc et de rosé, je collabore avec des amis qui sont installés dans le sud de la France.
Pour le blanc, je travaille avec le Domaine Martin qui se situe dans le Val de Loire au sein de l’AOC Muscadet Sèvre et Maine. C’est un muscadet frais et léger avec des notes minérales et citronnées. Il peut parfaitement se marier avec le poisson, le fromage et les plats végétariens.
Pour le rosé, j’ai souhaité travailler avec la région Provence. Je collabore avec le Château Léoube qui produit en agriculture biologique. C’est un vin équilibré et sec, typique des Côtes de Provence et le premier rosé bio proposé en canette.
Quel est le futur de la canette Fleurie ?
Pour le moment c’est un produit qui marche bien, qui plaît de plus en plus. J’ai réussi à convaincre de nombreux sceptiques, ce qui est une victoire pour moi. Maintenant, je souhaiterais que ces canettes puissent atteindre d’autres horizons, des pays dans lesquels je n’ai pas encore eu l’occasion d’avoir accès à cause des frais de douane élevés. Le Chili, par exemple, est l’un des pays dans lesquels j’aimerais pouvoir faire connaître la canette « Ô Joie ».
Quelle est la prochaine innovation en préparation au sein de l’exploitation des Moriers ?
J’essaie tout le temps de faire évoluer le domaine et de faire de la modernité un avantage plutôt qu’un inconvénient. Je suis en train de penser à encore changer la manière d’appréhender l’emballage du vin : peut-être dans des bouteilles en lin ! Cependant, il faut que je continue de faire des recherches sur la question. Pour être tout à fait honnête, ce qui occupe mon esprit en ce moment ce sont les vendanges prochaines. C’est une période que j’adore et que j’attends avec impatience chaque année.
(*) Pauline Faye Muñoz est une traductrice franco-chilienne passionnée par le vin. Après avoir étudié les relations internationales à l'université d'Alcalá de Henares (Espagne), elle a obtenu une maîtrise en traduction professionnelle à l'Institut des traducteurs et interprètes de Strasbourg (ITIRI). Actuellement, elle collabore avec Vinifera Editorial et écrit des articles sur la remise en question de la réalité française du vin. Aussi, elle met en valeur le travail des femmes dans ce secteur mais également des professionnels du vin qui ont peu de visibilité et qui sont des éléments fondamentaux pour la vie viticole.